Beonir, le détrousseur

Transi de froid, Beonir franchit péniblement la porte de l'ambassade.

Par on ne sait quel miracle, il était parvenu à échapper au joug de ses surveillants, abominables sbires démons, capables des pires atrocités, et, allant puiser jusqu'aux plus extrêmes ressources de son être, s'était obligé à ne point dormir, ni se nourrir, afin de contrer la ténacité de ses poursuivants. Il avait ainsi pu conserver une longueur d'avance.

Après huit nuits et huit jours des plus éprouvants, bravant les pires conditions climatiques - la pluie, la grêle, et pour finir la neige - il avait enfin retrouvé l'ancienne terre des hommes, peuple qui l'avait vu naître, et avait décidé de s'enquérir de la permission des siens pour pouvoir rejoindre ses anciens compagnons.

Certes, il savait qu'il allait passer pour un traître, mais il espérait que certains croiraient à son histoire, de l'habile traquenard, qui l'avait poussé, bien malgré lui, à rejoindre les forces de la Horde.

Fort heureusement, il avait su préserver, au fond de lui, la foi et l'amour de ses proches. C'est sans nul doute cette force qui lui avait permis de revenir jusqu'ici.

D'un geste lent, il ouvrit la lourde porte de l'ambassade, puis s'écroula sur le sol.
Sa vue se brouillait peu à peu, il entendit des voix dans le lointain et vit une ombre s'approcher de lui.
Etait-ce l'ombre de la mort ? Ou bien l'un de ceux qu'il cherchait à retrouver ?

Dans un dernier effort, avant de défaillir, il murmura :
- "Je rentre chez nous !"

* Innocent, occupé avec Messire Knessir dans une pièce voisine, sentit un courant d'air lui chatouiller la nuque... Instinctivement il se rendit aux portes de l'ambassade et fut stupéfait de constater l'état de son ancien compagnon, et toujours ami... *

Messire Beonir !
Vous semblez exténués !
Mon ami, vous avez réussi... votre périple est terminé.

* A ces mots, le forgeron saisit fermement Beonir pour l'allonger sur la table d'accueil.
Alors que Plaisir prenait déjà son envol pour avertir le PMU, son maître s'appliquait à rassembler tout ce qui aurait pu réconforter son ami... Un peu d'hypocras, quelques galettes... il ôta sa cape pour un faire un petit oreiller qu'il lui glissa doucement sous la nuque. *

N'aie crainte... nous prendrons soin de toi... tu es en sécurité à présent.

De derrière la porte de l’ambassade Liona avait tout entendu, un nouveau retour, Béonir, un des membres les plus emblématiques des humais. Une vrai fierté car, même en étant un voleur Béonir restait loyal et digne de confiance. Se réjouissant silencieusement Liona finit, après avoir réussie à dissimuler sa joie et sa satisfaction de retrouver un compagnon. Des trois départs qui avaient eu lieux ces derniers temps (Nathair, Béonir et Liona), ils étaient désormais deux à être rentrés.
-Bonjour, tu reviens ? Mal en point ?! Faudra trouver un mage ou un alchimiste pour te remettre sur pieds. Moi j’suis trop fatiguée.

Ecnelis venait d'arriver, et aux dires de Liona, prononçant "Béonir" lança un regard curieux sur l'hôte allongé sur la table.

Puis, d'un geste effrayé, recula...

"Ce n'est point mon époux que je vois là, tout au plus, encore une de ces créatures maléfiques. Liona, cessez de proférer son nom, mon époux est mort".


Sur ces mots, Ecnelis s'éloigna songeuse et très perturbée.

* Innocent regardait Dame Ecnelis d'un air effaré *

- Mais non Dame Ecnelis ! Son état est certes pitoyable mais voyez ce regard... C'est bien celui de mon Ami Beonir, ça ne fait aucun doute !
D'ailleurs il commence à aller mieux depuis son arrivée en nos murs... Son complet rétablissement risque d'être long et il devra être patient.

Phoebus s approcha de Béonir, il contenait difficilement ses émotions. Il devait parler sans colère, sans rancune, juste parler ....
Il interpela le voleur :

" Béonir dés ton retour sur nos terres je t ai avoué ma faiblesse, ma faute. Je continue à affirmer que je suis le seul fautif. J ai volé ce baiser à Ecnelis, elle ne s y attendait pas ... Tu demandes réparation de l affront, ton honneur est bafoué, nous te devons des comptes, sinon ??
Sinon quoi ??? Tu es parti, a délaissé ton épouse ... Sais tu au moins sa souffrance et connais tu ses tourments ??? Etais tu là pendant toute ces lunes, quand elle s est perdue pour rejoindre le peuple des Béonides .. As tu entendu ses appels au secours ??? Et toi que faisais tu ??? Ton honneur dis tu ?? ou ton égo ?? lequel des deux est mis à mal ???
Alors oui pour un, un seul petit baiser, volé dans des circonstances que tu ignores totalement, je mérite punition ...
Mais comment oses tu faire du mal a Ecnelis. Elle ne paye pas assez tes écarts ?? Si tu as de l amour pour elle, jette toi a ses pieds et soit humble...
Phoebus lui il perd ton amitié , il perd Ecnelis. Il parle devant ses vrais amis et se soumet à leur jugement sans crainte.
Que demandes tu de plus ??
N oses même pas le formuler, Il ne me reste rien, plus rien sinon mon peuple que je ne renierai jamais ..

Phoebus fit volte face il leva son baton, un éclair d une intensité inouïe, se projeta vers la porte. Alors que la fumée se dissipait, il s engouffra dans le trou béant et disparut dans la pénombre

* Innocent, tout penaud, se retrouvait manifestement au coeur d'un différend familial... Il s'assura que personne ne manque de rien, adressa un clin d'oeil à chacun... mais déjà Messire Phoebus s'était éclipsé.
Un rapide coup d'oeil à l'état de santé de Beonir, et il s'effaça dicrètement dans une pièce voisine rejoindre Messires Knessir et Hans. *

- Si vous avez besoin de quoi que ce soit mes Amis, je suis à côté

Béonir fut réveillé en sursaut par un bruit qu'il ne pût identifier, une espèce de "whhiiiissschhhhh" ou de "ppsssccchhhwwwoooccchhh" ; enfin peu importe.
Ses yeux le bûlaient atrocement, comme s'il s'était assoupi les yeux ouverts...

Cette étrange impression de rêve éveillé il l'avait connue bien des fois, très souvent alors qu'il cheminait aux côtés de sa soeur Cadfael. Beaucoup moins depuis qu'il avait épousé Ecnelis, sa chère et tendre conjointe.
Où était elle d'ailleurs ? Qu'était-il advenu d'elle durant son absence ? Avait-elle reçu sa missive ?

Il releva la tête de la table qui lui faisait office de lit, faute de mieux. Assurément, il ne se trouvait point dans une auberge... Et, jetant un regard alentour, murmura dans un souffle presque inaudible : "Ecnelis"

Non mais, de quoi j'me mêle, pensa en son fond intérieur Ecnelis. Voilà que ce monstre démoniaque prononce mon nom, et qu'Hans intervient. (oui, c'est ça, pars sur Yaeth rejoindre ce vieux fou de Mage démoniaque).

Ecnelis avait entendu cet être étrange prononcer son nom et s'en approcha. Elle avait aussi entendu le mécontentement de Phoebus et son départ suivi d'éclairs. : elle ne comprenait pas pourquoi tout le monde s'adressait à l'individu sous le nom de Béonir, son époux, qui, pour elle, était mort. C'est du moins ce que lui avait affirmé un Béonide, lorsqu'elle s'était rendu à la Montagne.

Elle se trouvait à présent, seule, avec celui que tous appelaient Béonir,. Elle ne s'avança pas plus avant, craignant encore à un de ces sorts maléfiques, dont elle avait été victime, il n'y a pas si longtemps...

Progressivement, les sons devenaient plus clairement perceptibles, mais sa vue restait désespérément brouillée.
Tout au plus parvenait-il à discerner les formes de son environnement : ça une chaise, là une armoire, puis un rectangle de clarté qu'il définit comme étant une porte.

Assis sur cette couche improvisée, il chercha autour de lui à tâtons. Il reconnut, au toucher, la forme inégale de ce qui lui semblait être de petits biscuits.
Comme un mort de faim, il se mit à engloutir véritablement ces petits sablés, en les fourrant dans sa bouche les uns après les autres, comme autant d'offrandes réconfortantes.
Même en s'empiffrant, il se remémorrait l'exquise saveur des galettes favorites de son ami forgeron. Ô bonheur prodigieux !

Peu à peu, il lui semblait que ses souvenirs s'insinuaient à nouveau dans les méandres de son esprit. Il ne savait dire où il se trouvait et n'avait jusqu'alors eu conscience que de l'engourdissement de ses membres et de la douleur qui accompagnait chacun de ses mouvements, mais en effet, après le prénom d'Ecnelis, celui de son ami Innocent lui était revenu en mémoire.

Machinalement, il porta sa main au niveau de la petite assiette qui contenait ces délicieux amuse-gueule.
Au lieu de trouver ces objets de gourmandise, il sentit qu'il effleurait la peau d'une main ; une main à la texture fine et délicate.
Il ferma les yeux et inhala doucement, comme pour s'imprégner de l'empreinte olfactive de cette présence. Un parfum suave et subtil légérement sucré, reconnaissable entre mille, mit tous ses sens en émoi. Il saisit la douce main et tourna son visage vers sa mystérieuse compagnie :
- " Ecnelis ! Est-ce bien vous mon Amour ? Mon Dieu ! Que Thor soit béni s'il m'a permis de vous retrouver enfin ! Je ne pouvais espérer éprouver un tel bonheur après tant de tourments. C'est bien vous n'est-ce pas ?
Je souffre atrocement. Mes yeux ne me permettent plus de voir comme je le voudrai. Je ne parviens qu'à distinguer votre aura.
Je ne sais guère de quel mal je suis atteint, s'il s'agit d'une cécité temporaire ou si je suis sous l'emprise d'un sort qui m'a été jeté...
En tout cas, je me réjouis de votre présence à mes côtés et je prie Thor de me venir en aide afin qu'il me soit donné de revoir votre sourire ! "

Il n'y avait plus de doute pour Ecnelis, les mots que prononçait l'individu étaient bien ceux de son époux : Elles les auraient reconnus entre mille, voire plus. Aucun autre n'aurait pu s'adresser à elle avec cette voix, si douce mais emprunt d'une telle tristesse, d'un tel désarroi !

Les gourmandises qu'Innocent avait laissé à l'intention de Beonir avaient eu pour effets prodigieux de lui rendre son visage, et, si Beonir avait pu saisir la main d'Ecnelis, c'était qu'elle s'en était approchée, afin d'y déposer quelques sortilèges, dont seule, elle en connaissait l'usage, pour les avoir inventés. Selon elle, ils permettraient d'ôter à la personne goûtant de mets, son masque. Ainsi, il serait aisé pour Ecnelis de savoir, si oui ou non, l'individu qui se trouvait face à elle, était son époux.

Ce faisant, Ecnelis, ayant tenté l'impossible et sâchant désormais que l'individu était bien son époux, déposa tendrement un baiser sur la main de celui-ci. Elle n'en revenait pas, c'était bien lui, c'était bien Beonir, son Beonir. Mais alors, n'était-il pas mort, comme le lui avait annoncé ce Béonides, dont elle n'avait plus souvenir du nom ?

Beonir était affaibli, à tel point qu'Ecnelis ne voulut pas l'assaillir de questions. Les yeux de Beonir étaient les mêmes qu'auparavant, certes, il ne pouvait l'apercevoir mais ils restaient les mêmes, lorsqu'elle plongeait son regard dans le sien.

Elle ne pu retenir quelques larmes de joie, tant son bonheur était immense, et lui répondit :

- Mon Amour, oui, c'est moi, Ecnelis (tout en lui prenant l'autre main) !
- Venez, partons, vous n'êtes pas confortable ici, partons rejoindre nos appartements.

Sur ces mots, Beonir se laissa entrainer, tandis qu'Ecnelis, tendrement l'enlaçait, afin d'atteindre l'escalier qui les mènerait à leurs appartements. Puis, tout en continuant ainsi le trajet, elle déposa un baiser sur les yeux de Beonir, et lui murmura :

- Je vous aime, vous savez...

* Innocent restait posté derrière la porte entrebaillée... Il rougissait, à l'abri des regards, d'avoir pris la décision d'écouter ce qui se passait à l'intérieur...
"On ne sait jamais ! Nul ne sait de quoi sont capables les Etres sous l'emprise d'un Amour déçu" s'était-il dit, prêt à intervenir en urgence pour défendre l'un ou l'autre de ses amis.
Il avait au contraire, et la joie au coeur, assisté aux retrouvailles des amoureux.
Et là, seul, à l'ombre des murs de l'ambassade, il se sentait pousser des ailes de Cupidon. *

Liona était restée à moitiée endormie dans la salle, retirée dans un coin particulièrement sombre. Elle se leva et disparut presque aussitôt, il ne fallait pas que l'on s'aperçoive qu'elle n'avait pas quittée la salle. Elle parcouru les couloirs dans le but d'aller raconter à Elwyn le retour de Béonir, sans lui faire le récit de la conversation qu'elle avait surprise, en sortant elle tomba nez à nez avec Innocent. Sans lui adresser un regard elle disparut après avoir saisit un parchemin, jauni et usé.
Elle se téléporta plus loin et se dit qu'elle aurait aimée que ce ne fût pas Béonir allongé là, mais un démon, elle aurait pu se battre mais non, elle poussa un juron, maudissant ses noirs dessein, mais il passerais du temps et des années avant qu’elle ne les révèlent.
Elle se murmura à elle-même
-Nathair on t’attend.

Pas à pas, une marche après l'autre, ils progressaient précautionneusement dans l'escalier étroit ; Beonir se sentant bien soutenu par son épouse.
Il faut dire qu'elle a de la poigne la petite ; une main de fer dans un gant de velours...
- "Ecnelis, j'ai très froid ! Mes mains sont bleues, non ? "
- "En effet, mon Amour, il faut absolument que vous vous réchauffiez, par tout moyen.
Plus que quelques marches et nous y serons.
Je vais également faire quérir votre soeur afin qu'elle examine vos yeux. Avec un peu de chance, elle pourra vous préparer une décoction d'euphraise."

Arrivés sur le pas de la porte, Ecnelis ouvrit l'huis et, d'une pression sur le bras, invita son époux à entrer.
- " Je vais aller chercher du bois au rez-de-chaussée et allumer la cheminée. La chaleur de l'âtre vous réchauffera assurément. Et vu votre état actuel, ceci me semble être le meilleur moyen ", dit-elle, tout en pensant qu'elle connaissait un autre moyen tout aussi efficace ; que rien ne valait la chaleur corporelle ; qu'ils ne s'étaient pas vus depuis plusieurs semaines ; etc...
Songeuse et résignée, elle prit congé de lui pour quelques minutes.

A peine entré dans la chambre, seul, Beonir, les bras en avant, s'avança promptement afin de se jeter sur ce qu'il avait deviné comme étant le lit.
Quelle ne fût pas sa surprise lorsque son pied gauche rencontra violemment un petit coffre qui se trouvait, pour une raison qui restera à jamais ignorée, au beau milieu de la pièce.
Il ne parvint pas à étouffer un cri perçant.
Tenant son pied à deux mains, tout en poussant de petits gémissements, il sautillait à cloche pied, en rond, dans la chambre, tel un flamand rose en proie à une fulgurante crise hémorroïdaire.

Alors qu'elle se tenait au milieu de l'escalier, Ecnelis, entendant la plainte de son époux, fit volte face et remonta l'escadrin quatre à quatre.
Son visage reflétait l'inquiétude qui l'assaillait subitement :
- "Beonir ! ".

Affairé qu'il était à sauteler, le voleur pivota soudainement vers la porte, au moment même où celle-ci s'ouvrait brusquement, le chant de la porte fracassant son nez, sans remords.
Il partit en arrière, culbuta cul par dessus tête en émettant un "Ouch !", profondément sincère...
- " Mais à quoi jouez vous mon Ami ?", insista-t-elle en regardant son époux allongé, dans cette posture assez inédite : la main gauche sur le nez et le pied gauche toujours dans la main droite.
- "Zé mal !", répondit-il.
- "Mon Dieu, que ces hommes sont douillets ! ".

- «aggripez-vous à moi, que je vous aide à vous relever !» répondit Ecnelis tout en lui souriant.

Tant bien que mal, Beonir tenta de se relever, s'accrochant à Ecnelis, tout en l'a saisissant par les hanches. Sous le poid de Beonir, les époux basculèrent et se retrouvèrent tous deux sur le plancher. Ecnelis, allongée sur son époux, lui avait heurté la tête en tombant. Ils se trouvaient à présent face à face, enlacés. On ignore pourquoi, mais le fait qu'Ecnelis eut cogné la tête de Beonir avec la sienne, celui-ci recouvrit la vue. Ils s'observèrent ainsi un long moment, perdus l'un dans le regard de l'autre. Ne régnait dans la pièce que l'harmonie de leurs respirations saccadées par la joie de s'être retrouvés. Tout semblait figé, pour ne laisser entendre que leurs coeurs battrent à l'unisson...